Bons baisers de Bastogne, un message derrière l’image
13
Oct
2016
Par Pascale Ghislain 13 octobre 2016 Catégories 2ème Guerre mondiale commentaire
L’« Embracing Peace», c’est un bronze peint de 8 m de hauteur conçu par l’artiste américain Seward Johnson. Il se dresse aujourd’hui devant le Bastogne War Museum.
Ce couple monumental de 13 tonnes est prêté par la Johnson Atelier Technical Institute of Sculpture, une fonderie installée dans le New Jersey. Cet atelier permet à l’artiste de produire ses propres œuvres mais aussi celles de jeunes sculpteurs. Côté promotion, dans un grand parc verdoyant, le Grounds for Sculpture à Hamilton, Seward Johnson présente ses propres sculptures comme celles d’autres créateurs qu’il soutient.
Rendez-vous à Bastogne
De nombreuses raisons nous attirent vers Bastogne : des boutiques, des musées (voir notre article de présentation des musées de guerre, ici!), des restaurants, et depuis le 6 octobre 2016, une sculpture monumentale installée devant les Bastogne War Museum. Nous sommes partis à sa découverte.
Cette installation est le premier épisode d’une campagne d’événements exceptionnels qui unit les grands sites-témoins de la Seconde Guerre mondiale. Le 10 décembre, la Ville et le Bastogne War Museum vous donne rendez-vous avec les acteurs de Band of Brothers! Ces acteurs viennent à Bastogne pour la première fois à l’occasion du 15ème anniversaire de la sortie de cette série connue dans le monde entier ! Cliquez ici pour découvrir le monument qui leur est dédié.
Et si vous souhaitez rester à Bastogne et ses environs un week-end et plus, il y a bien d’autres lieux incontournables (voir sur notre site, ici!) qu’il ne faut pas manquer;
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Vous voulez en savoir plus?
Une sculpture et deux photographes
Le travail de Seward Johnson est parfois critiqué par les spécialistes de l’art pour sa démarche artistique qui consiste à copier en 3 dimensions, avec l’aide d’un logiciel informatique, l’œuvre d’autres créateurs renommés (photographes ou peintres impressionnistes). Mais il attire toujours un public surpris et plutôt enthousiaste pour sa dimension monumentale et ludique.
Le choix du sujet et le voyage de l’oeuvre en Europe ont plutôt une valeur symbolique. Exposé devant le Mémorial de Caen et aujourd’hui devant le Mardasson à Bastogne, l’ardent baiser permet de prôner une valeur essentielle dans le fonctionnement démocratique : le respect de la liberté, valeur mise à mal aujourd’hui.
Il rappelle le baiser de la paix brandi par le dessinateur Luz sur une couverture de Charlie Hebdo, comme toute réponse à la violence.
L’œuvre exposée au Mardasson restitue, en ronde-bosse, deux célèbres photos de grands « capteurs d’images ». Un premier photographe a vécu dans sa chair, la grande guerre et dans son objectif, le second conflit mondial: c’est Alfred Eisenstaedt. Il publie nombre de photos dans des magazines européens des années 1930. Il va même y couvrir l’ascension d’Adolf Hitler! Exilé aux Etats-Unis en 1935, il devient le pionnier du reportage journalistique et l’un des photographes phares du magazine Life.
Le second est journaliste à la « Naval Aviation Photographic Unit » et prend la photo du même couple sous un autre angle. Il s’agit du renommé Victor Jorgensen dont la photo sera publiée dans le journal démocrate « New-York Times ». Voyez la différence!
Le pouvoir de l’image
Mais voyons de plus près le contexte historique qui a poussé ces deux grands photographes à clicher, sur le vif, un couple qui s’embrasse afin de bien cerner le message.
Le marin et l’infirmière
Mais qui sont ces amoureux de 1945 ?
Récemment, l’image iconique est décryptée et les personnages identifiés.
- L’infirmière était en réalité, assistante dans un cabinet dentaire. Elle est venue vérifier, durant sa pause de midi, la véracité des informations qui circulent dans la salle d’attente du dentiste. Elle vient d’arriver sur la place où se trouve le très populaire Life magazine. A l’époque, il n’y a pas de télévision, on est uniquement informé par les articles et les images reproduites dans les journaux.
- Sur cette même place, un marin venu rendre visite à sa fiancée est ivre de joie. Mais il faut bien le dire, pas que de joie. Il vient d’apprendre qu’il ne devra plus retourner se battre dans le Pacifique. Plus encore, son frère, prisonnier des Japonais, va être libéré! Il embrasse toutes les filles sur son passage dont celle qui deviendra « l’infirmière » la plus célèbre du monde.
En 2005, elle relatera cet épisode en déclarant : « Je ne sais pas quoi penser du baiser… c’était juste quelqu’un qui fêtait une occasion. Ce n’était pas romantique ». Mais en 2012, elle nous rassurera : » il n’y avait pas de mal à ça. Ce n’était que des bonnes nouvelles, les meilleures qu’on ait eues depuis des années… «
Life, une source d’information ou un outil de propagande
A l’ère de la photo numérique transmise instantanément à l’autre bout du monde, il faut plus que jamais faire preuve d’esprit critique à la vision d’une image. Cet exemple nous le démontre à souhait.
A l’analyse, nous comprenons l’intention du photographe et du journal Life fondé en 1936 par Henry Luce. Life veut dès le début relayer la position du gouvernement. Il influencera énormément l’opinion des foyers américains. En 1940, Life atteint 21 % du lectorat, soit 22.5 millions de personnes. Durant la guerre, Henry Luce, grand patriote, ralliera Time et Life à la cause militaire.
Son journal accordera une place privilégiée à la photographie qui doit rendre compte de l’humain. La photo de guerre doit mettre en exergue la bravoure et la peur du soldat, ses espoirs et sa détresse. Pour ce faire, les plus grands photographes seront engagés et notamment Robert Capa sur le front de la Bataille des Ardennes.
Vous voulez en savoir plus?
Découvrez nos deux articles consacrés au Journalisme de Guerre (en lien avec un colloque organisé en 2016 à Bastogne:
« Récemment, l’image iconique est décryptée et les personnages identifiés. » J’ai vu ce couple sur time square, en 1995, pour la fête anniversaire de la fin de la guerre contre le Japon, qui expliquait pour la millième fois, votre décryptage récent.