Sur les traces de la Bataille des Frontières
29
Août
2015
Par Fanny Lardot 29 août 2015 Catégories 1ère Guerre mondiale Pas de commentaires
La Bataille des Frontières que retenir de ces événements dramatiques aujourd’hui ?
Plus d’un siècle plus tard, que reste-il de ces terribles affrontements qui secouèrent le centre et le sud du Luxembourg belge? Qu’en retenir et que transmettre ?
Tout d’abord, retrouvons les « traces » de la Grande Guerre en Luxembourg belge qui vont nous permettre à nous, simples touristes ou amateurs d’histoire(s), d’appréhender au mieux le passé de ce territoire.
L’évolution des cimetières militaires
Les cimetières militaires sont aménagés et organisés par les Allemands, c’est-à-dire par les occupants. Avant cela, les victimes de la Bataille des Frontières sont enterrées là où elles sont tombées, dans des fosses communes ou dans des tombes individuelles. La liste des cimetières de la Première Guerre se trouve ici!
Ensuite, elles sont exhumées et réunies dans des cimetières dessinés par des architectes allemands. Les Allemands ont apporté un grand soin à leur conception, au plan de la nécropole et aux matériaux employés. Ces nécropoles rassemblent parfois des soldats allemands et français.Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux petits cimetières disparaissent au profit de plus grandes nécropoles. En Luxembourg belge, il subsiste encore 11 cimetières 14-18 : ce sont les cimetières d’Ethe, Anloy, Rossignol, Neufchâteau, Bertrix, Maissin, Baranzy, Virton, Houdrigny et Bellefontaine.
À ces cimetières il convient de rajouter des nécropoles désaffectés aujourd’hui et les carrés militaires à l’intérieur des nécropoles civiles comme à Arlon, Bouillon, Carlsbourg, Etalle, Grandmenil, Halanzy, Robelmont, Rulles, Saint-Hubert, Sommethonne, Villers-devant-Orval, et Villers-sur-Semois.
Les monuments en l’honneur des civils
Pendant l’invasion de 1914, de nombreuses exactions sur les civils sont commises par les soldats allemands. En six jours, près de 900 hommes, femmes et enfants sont exécutés en Luxembourg belge. Les violences sur la population s’explique notamment par une forme de lavage de cerveau : le fameux mythe du franc-tireur. Cette hantise allemande remonte à la guerre franco-prussienne de 1870 quand les « armées du peuple » harcelaient les troupes prussiennes. Les soldats de l’Empire craignent à nouveau en 1914 de se faire tuer par des civils armés. Cette croyance s’ajoute aux fausses rumeurs, au stress du soldat, à l’alcool, aux traumatismes mais aussi à la paranoïa.
Dès la fin du mois d’août 1914, les autorités belges ordonnent des enquêtes sur ces massacres. Elles sont menées efficacement par le chanoine Schmitz qui récolte systématiquement témoignages et photographies, et par le moine Dom Nieuwland de l’abbaye de Maredsous, qui transcrit tous les récits. Quelques mois plus tard, en mai 1915, leurs rapports sont publiés. Ces enquêtes très précises serviront aux procès pour crimes de guerre à Leipzig en 1921.
À titre d’exemple, nous pouvons citer les monuments : à Ansart (mausolée des fusillés), Arlon (nombreux mémoriaux caractéristiques), Briscol et Heure (tragédie du 20 août 1914), Etalle (la plaque aux fusillés), Musson (portail de l’ancienne église), Rossignol (la croix des fusillés 26 août 1914), Tintigny (présence d’un vitrail dédié au curé du village et d’un monument original), etc.
Lecture des monuments aux morts
Dans presque toutes les localités de la province, des monuments commémorent le souvenir de civils exécutés, de déportés ou de soldats originaires de ces villages et tombés dans des combats. Souvent implantés près de l’église, dans le cimetière, ou bien mis en avant sur la place du village, ces monuments font aujourd’hui partie du patrimoine et peu en connaissent l’histoire. Retrouvez la liste complète sur notre site, cliquez ici!
La plupart d’entre eux ont été érigés entre 1920 et 1925. Ils répondent à un besoin des familles à donner un sens à la mort de leurs fils, de leurs pères tombés pour la patrie. Ils sont dressés pour se souvenir de la perte brutale de civils et de combattants et en faire le deuil. Ils doivent être vus par le plus grand nombre afin de transmettre ce message. Ils veulent également symboliser la lutte pour la défense de son pays, la souffrance, l’injustice, le deuil, le sacrifice et l’espérance.
Comment se présentent-ils?
Ces « monuments aux morts » peuvent prendre différentes formes selon les desiderata des commanditaires (citoyens, administrations communales, associations d’ anciens combattants, etc.): statuaire, colonne, obélisque, pierre dressée vers le ciel, croix, calvaire, stèle ou encore chapelle, calvaire ou mausolée. Ils sont réalisés, pour la plupart, en pierre ou bien en marbre. On en retrouve également en briques, en bronze ou en plâtre.
Les noms gravés défilent dans des colonnes bien distinctes: les soldats, les volontaires de guerre, les victimes civiles, les déportés, les lieux de décès et les survivants revenus de l’enfer des tranchées et des champs de bataille.
Les symboles sculptés ou gravés
Pour communiquer un message, il faut utiliser des symboles riches de sens et compréhensibles par le plus grand nombre. Dans ce cas-ci, la figure féminine est largement répandue et personnifie aussi bien la Vierge que la Victoire, la Patrie ou la mère/veuve endeuillée. D’autres symboles complètent ce panel: le soldat et son équipement militaire, l’enfant, le vieillard ou encore Saint-Michel, le patron des armées célestes.
À cela s’ajoute une panoplie d’emblèmes. Ils peuvent être religieux (croix, ange, calvaire, etc.), nationaux (drapeau, lion, coq, aigle, effigie des souverains, blason communal, etc.) ou symboliser la paix (laurier, olivier, colombe, couronne, etc.).
Les musées, lieux de réflexion et de transmission de la mémoire
Le musée Baillet-Latour et de la guerre en Gaume (Latour)
Ce musée est consacré à l’histoire du village et notamment à celle de la lignée des Baillet-Latour dont le plus prestigieux d’entre eux : Maximilien, le fondateur des Dragons de Latour. La Bataille des Frontières y prend une belle place avec des objets quelques fois issus des batailles d’Ethe et de Virton. Mais surtout, ce musée témoigne du massacre des 71 hommes du village de Latour en 1914.
Rue Baillet-Latour 24, 6761 Latour
Tél : 00 32 63 57 01 15 ou 00 32 63 57 96 64-
http://www.musees-latour.be/
Les musées gaumais
On y découvre un musée tous les aspects artistiques et historiques de la Gaume. Entre archéologie, art, ethnographie, croyances et coutumes, traditions et légendes. Pour la Grande Guerre, épinglons une collection d’aquarelles de Nestor Outer qui a consacré une partie de sa production aux événements d’août 14 (voir notre autre article de blog « Sur les pas de Nestor Outer à Virton »). Le musée présente également des armes et des costumes militaires de la Première Guerre.
Rue d’Arlon 38-40, 6760 Virton Tél: +32(0)63 57 03 15
Le musée de l’infanterie
Le camp militaire de Stockem héberge le musée de l’infanterie belge. Des mannequins, des dioramas et des vitrines contenant armes, uniformes et décorations y présentent l’évolution du fantassin de 1830 à nos jours, en ce compris la Première Guerre mondiale.
Quartier Général Bastin
Route de Bouillon 88, 6700 Arlon
Tel: +352 (0) 691 784 274 – +32 (0) 63 21 96
https://www.arlon.be/loisirs/culture/musees/infantry-museum
Les circuits touristiques, itinéraires de mémoire
Avide de balades et de découvertes grandeur nature ? Plusieurs localités proposent des parcours matérialisés par des panneaux explicatifs ou développés sur un support papier:
- Arlon en 1914. Sur les traces des monuments et plaques commémoratives. Balade à pied au départ du Royal Office du Tourisme, rue des Faubourgs 2 à Arlon. Info@arlon-tourisme.be, visite guidée sur réservation.
- Anloy: 18 étapes (village et forêt) pour un parcours à faire à pied ou à vélo (2h30). 1ère étape, rue Burnaumont.
- Latour: le circuit des fusillés est une visite guidée (7km) disponible sur réservation qui vous emmène sur les lieux du destin tragique des habitants de la localité. Il débute au musée Baillet-Latour et de la guerre en Gaume.
- Neufchâteau: nos mémoires vivantes. Panneau général (rue Saint Roch) localisant 19 points d’intérêt développés sur un dépliant.
- Porcheresse: sur les traces d’une des premières actions humanitaires internationales. Projet d’aménagement d’un circuit relatant l’histoire du village martyr incendié à l’aube de la guerre. L’attrait touristique est notamment la présence des « maisons du comité » construites dès 1915.
- Rossignol, visite guidée (7,5 ou 11,5 km) sur réservation. Deux parcours sont proposés (2h ou 3h avec passage dans la forêt) afin de comprendre et de se souvenir de la tragédie qui frappa le village le 22 août. La balade, en boucle, débute à l’église où une borne interactive présente le circuit et permet de tester ses connaissances à la fin du parcours par un petit quiz. Ensuite, 22 panneaux relatent les évènements et abordent des thématiques diverses (uniforme des soldats, les cimetières, les témoignages, la reconstruction, etc.).
- Chemins de la mémoire, circuit transfrontalier et balisé de plus de 500 km. Dix balades, entre 35 et 80 km, vous permettent d’appréhender le conflit, et plus précisément la Bataille des frontières, grâce à 135 points d’informations. Projet Interreg IV Grande Région : https://www.cheminsdememoire.eu/fr/
Un guide illustré « Traces et mémoire »