Retour sur les bancs de l’école
21
Sep
2016
Par Fanny Lardot 21 septembre 2016 Catégories Faits et sites historiques Pas de commentaires
Petite histoire de l’école primaire
Depuis un siècle, tout le monde doit y passer. Tous les Belges ont usé (ou sont en train d’user pour les plus jeunes) leurs fonds de culotte sur les bancs de l’école. De générations en générations, le monde scolaire a évolué et s’est transformé au gré de la mutation de la société et de tous les décrets et traités qui ont suivi.
Le visage de l’école est complètement méconnaissable depuis la proclamation de son statut obligatoire en 1914. Flashback sur l’école de nos parents, de nos grands-parents et même, de nos arrière-grands-parents !
Les enfants, écoliers et ouvriers
Avant 1914, les établissements scolaires sont partiellement désertés par les écoliers. À la ville, comme à la campagne, les enfants des familles plus modestes représentent une main d’œuvre non négligeable. Que ce soit pour travailler à la ferme ou à l’usine, les jeunes permettent de rentrer un petit salaire, bien utile pour nourrir la famille ou trouver un logement. Le milieu scolaire s’organise donc en fonction. Pourquoi les enfants ont-ils congé durant les deux mois d’été ? C’était pour permettre le travail dans les champs.
Au niveau politique, il n’est pas encore question de remettre en cause le travail des enfants. Certains commencent pourtant dès 5 ans ! Il faut attendre une hausse des salaires vers 1855-1875 (les enfants ne sont donc plus indispensables à la survie de la famille) et la création d’une commission chargée d’étudier la « situation du travail industriel dans le royaume ». La révolte ouvrière de 1886 explique que l’on s’intéresse, enfin, aux conditions de vie et de travail des Belges. En 1889, une nouvelle loi en ressort :
- l’interdiction du travail industriel des enfants de moins de 12 ans
- la limitation de la journée de travail à 12 heures (12 et 16 ans)
- l’interdiction du travail nocturne pour les garçons de moins de 16 ans et pour les filles de moins de 21 ans.
Attention, rien n’est précisé concernant le travail hors secteur industriel… Cette loi va tout de même favoriser la fréquentation des écoles. Il faut attendre celle de 1921 pour que ce phénomène soit totalement aboli.
Quand la politique se mêle du monde scolaire
Tout au long du XIXème siècle, plusieurs lois scolaires se succèdent au rythme des élections et des tensions politiques entre cléricaux et libéraux (lois de 1842, 1879, 1884, 1885). La mainmise sur l’enseignement est bon outil pour les politiques car ils peuvent propager leur idéologie aux futures générations ! Suivant le parti au pouvoir, les efforts sont concentrés soit sur l’enseignement officiel soit sur le libre (catholique).
Une journée en classe au début du XXème siècle
Un des points positifs de ces lois est l’obligation d’avoir une école par commune. Durant cette période, la construction de nouveaux établissements est récurrente (+/- 75 par an). Les élèves sont accueillis dans de vraies classes. Généralement, le bâtiment dispose d’une salle de classe où sont rassemblés tous les niveaux d’étude et une partie habitable pour le maître (ou en tout cas, à proximité).
Les locaux doivent être solides, fonctionnels et sans luxe apparent. C’est l’époque des tableaux noirs, de l’estrade de l’enseignant, des pupitres en bois et du poêle à bois, souvent positionné en plein milieu de la pièce.
Les enfants entrent à l’école vers 6 ans (les maternelles n’existent pas encore) et y restent jusqu’à leur 12 ans, période de leur communion solennelle. Après, c’est le travail, pour ceux qui n’ont pas commencé plus tôt.
Quelles sont les matières dispensées ?
L’objectif premier est d’apprendre à lire, à écrire et à calculer. Mais progressivement, les programmes s’épaississent et s’enrichissent : notions d’histoire, de géographie, de religion, de morale, de géométrie, cours de dessin, de sport (certaines écoles se dotent d’un gymnase), de musique, de couture, etc.
Quant à la méthode d’enseignement, c’est l’exposé magistral qui prime. Les enfants prennent note des explications fournies par le maître. Ce dernier a le monopole du discours, du choix des contenus, du cheminement de l’apprentissage et des rythmes d’acquisition. Aucune base de psychologie enfantine n’est prise en compte, de même qu’aucune transition entre les différentes matières (calcul, langue maternelle et religion) n’est appliquée.
1914, un enseignement obligatoire et gratuit
Cela fait longtemps que les politiques en parlent, majoritairement dans le camp des libéraux et des socialistes. C’est en mai 1914 que le nouveau gouvernement catholique instaure un enseignement obligatoire et surtout gratuit, grâce à l’augmentation des subsides de l’Etat aux écoles officielles et libres. Mais la Première Guerre mondiale toute proche retardera cette nouvelle organisation du milieu scolaire (jusqu’en 1920).
Dans la foulée, l’âge de l’instruction est monté à 14 ans avec la création d’un 4ème degré (l’obligation porte sur 8 années donc de 6 à 14 ans). Ce dernier est censé assurer la transition entre le milieu scolaire et le milieu du travail, lié à la situation économique locale. Il demeure cependant payant et évite de poser la question de l’accès à l’enseignement secondaire pour les classes populaires (orientation industrielle, technique ou rurale pour les garçons et « ménager » pour les filles).
En ce début de XXe siècle, une nouvelle doctrine pédagogique entre en jeu : l’éducation nouvelle. Rassemblant des philosophes, des scientifiques, des médecins et des pédagogues, ce mouvement européen et américain défend :
- l’enfant actif comme source de l’éducation
- les méthodes actives d’enseignement
- le développement de toutes les facultés propres aux hommes (intellectuelles, psychologiques et manuelles).
Cette pédagogie vise une participation active des apprenants à leur propre éducation. Pour ces spécialistes, l’enseignement doit former un nouveau type de citoyen, instruit, moralisé et conscient de ses choix et de ses qualités. On sort enfin du schéma où le fils d’ouvrier doit devenir à son tour ouvrier. On retrouve cette pédagogie principalement dans les villes (Bruxelles avec la figure d’Ovide Decroly, Liège, Seraing, etc.)
Dans les écoles de campagne, cette pensée est parfois difficilement applicable : il n’y a bien souvent qu’un seul instituteur pour l’ensemble des écoliers aux profils et niveaux très variés. Dans ces classes surpeuplées, l’apprentissage doit aussi rimer avec autorité (qui n’a pas reçu un coup de férule sur les doigts ?).
Envie de découvrir ces écoles d’autrefois ? Voici plusieurs lieux de rendez-vous :
- Le domaine du Fourneau Saint-Michel : le musée en plein air nous replonge dans la vie rurale du XIXème siècle grâce à la présence de bâtiments caractéristiques de l’époque, dont une école ! Visitez l’intérieur et replongez dans ces classes où les craies côtoient les morceaux de charbon, les étuis en bois et l’encrier. A lire aussi, notre article de blog sur les bâtiments du domaine évoquant la vie paysanne des années 1900, cliquez ici!
- Le rendez-vous est pris à Montquintin. En plus des ruines de l’ancien château, un musée consacré à la vie paysanne et école d’autrefois vous fera retrouver le siècle précédent.
- L’expo permanente « Les Âges de la vie » : de la naissance jusqu’au décès, découvrez les différentes étapes de la vie d’un homme. Un passage obligé est bien sûr les bancs de l’école. La reconstitution de salle de classe et tous les objets présents vous rappelleront de bons souvenirs (oui, même le bonnet d’âne si caractéristique !).
Que sont devenues ces anciennes écoles ?
Certaines ont gardé leur fonction d’origine et ont vu leur surface agrandie par des travaux en tous genres au fil du temps. D’autres ont malheureusement dû fermer leurs portes en raison de la baisse de fréquentation. Il faut savoir qu’on comptait quasiment une école par village dans nos campagnes, voire plusieurs !
Que faire avec ces bâtiments ?
- Des salles de villages (comme à Fanzel)
- Des maisons d’habitation
- Des gîtes comme à Wéris, à Mousny, à Erpigny, etc.
- Des salles de séminaire comme à Rochehaut (la vieille école)